À Pobè, une petite révolution vestimentaire agite les conversations. Dans l’un des bars les plus fréquentés de la ville, situé à quelques pas seulement d’une importante Église catholique, les serveuses arborent désormais un look surprenant : longues robes amples, voiles couvrant les cheveux, une tenue qui rappelle fortement celle des fidèles musulmanes revenant du pèlerinage à la Mecque.
Derrière cette transformation, plusieurs grilles de lecture se croisent. Pour certains, il ne s’agirait que d’une moquerie à peine voilée d’un style religieux bien connu, une provocation déguisée dans un lieu de loisirs souvent considéré comme à l’opposé des valeurs spirituelles. Une telle interprétation n’est pas à écarter, surtout dans un contexte où la frontière entre inspiration et caricature peut facilement être franchie.
Mais pour d’autres, plus nombreux, c’est une tentative de réhabilitation de la femme dans un cadre professionnel trop souvent propice à l’exploitation de son image. Dans ces espaces où les corps féminins sont fréquemment mis en avant à des fins commerciales, cette nouvelle tenue vient briser les codes et introduire une dose de pudeur. Une manière pour ces serveuses de se protéger, de reprendre possession de leur corps, et de dire non, silencieusement, au harcèlement physique ou moral.
Peut-être faut-il y voir une forme d’intelligence sociale : utiliser un symbole fort de respect et de sobriété pour créer un nouveau rapport entre les femmes et les clients, dans un secteur où les abus sont parfois banalisés. C’est aussi une manière d’envoyer un message : la dignité ne s’efface pas sous prétexte de service ou de convivialité.
Il appartient désormais aux promoteurs de bars de s’inspirer de cette démarche, tout en restant vigilants aux sensibilités culturelles et religieuses. L’idée n’est pas d’emprunter des symboles sacrés à la légère, mais de réfléchir à des codes vestimentaires décents, respectueux et protecteurs pour les femmes qui y travaillent.
Ce changement, aussi inattendu qu’audacieux, pourrait bien ouvrir une nouvelle voie. Celle où la femme, même dans un bar, peut se vêtir avec dignité, imposer le respect, et travailler dans un cadre plus sain. Encore faut-il que cette initiative soit comprise, accompagnée et déployée avec sagesse.
Ernest LATOUNDJI

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