L’ancien ministre de l’Énergie, Samou Séidou Adambi, a porté plainte devant le tribunal d’Abomey-Calavi après des déclarations faites en juin 2025 par son successeur, Paulin Akponna, sur une présumée affaire de détournement au sein du ministère. Dans une interview accordée à Banouto, le juriste Landry Adélakoun analyse les implications juridiques de cette démarche.
Des accusations qui secouent l’opinion
Le 21 juin dernier, alors ministre de l’Énergie, Paulin Akponna évoquait publiquement un supposé siphonage de ressources dans son département ministériel. Des propos qui ont immédiatement déclenché une onde de choc dans l’opinion publique béninoise. Se sentant diffamé et directement visé, Samou Adambi a décidé de saisir la justice.
Une plainte et des questions de compétence
Le dossier a été porté devant le tribunal d’Abomey-Calavi. Mais la question se pose : ce tribunal est-il compétent pour juger un ministre en fonction ou dont les propos ont été tenus dans l’exercice de ses fonctions ? Interrogé à ce sujet, Landry Adélakoun rappelle que le droit béninois prévoit un cadre spécifique pour ce type de poursuites.
« Tous les citoyens sont égaux devant la loi, mais certaines fonctions confèrent des immunités particulières », précise-t-il. Selon lui, toute action en justice contre un membre du gouvernement pour des faits commis dans l’exercice de ses fonctions relève de la compétence exclusive de la Haute Cour de Justice, comme le stipule l’article 136 de la Constitution.
Le rôle de la Haute Cour de Justice
Toujours selon Me Adélakoun, la Haute Cour est seule habilitée à juger le président de la République et les membres du gouvernement pour des faits tels que la haute trahison, ou des infractions commises dans le cadre de leurs fonctions. Il en découle que la plainte introduite contre Paulin Akponna devrait suivre une procédure bien encadrée.
Une saisine verrouillée par l’Assemblée nationale
L’accès à cette juridiction n’est toutefois pas direct. Comme le prévoit l’article 137 de la Constitution et les textes organiques encadrant la Haute Cour de Justice, seule l’Assemblée nationale peut enclencher la procédure de poursuite. Le juriste explique ainsi que « tout citoyen qui souhaite poursuivre un ministre pour des faits liés à ses fonctions doit d’abord passer par l’Assemblée nationale ».
Autrement dit, même si Samou Adambi a saisi un tribunal ordinaire, ce dernier ne pourra traiter le dossier que dans la mesure où il transmet la demande à l’Assemblée, seule habilitée à engager la procédure de mise en accusation.
Vers une levée de l’immunité ?
Le dossier étant encore à ses débuts, la question de la levée de l’immunité de Paulin Akponna reste pour l’instant hypothétique. Cette étape est pourtant incontournable si la procédure veut progresser. La Constitution impose un vote à la majorité des deux tiers des députés pour autoriser des poursuites contre un membre du gouvernement.
Pour l’heure, si le parti d’opposition Les Démocrates a réclamé la création d’une commission d’enquête parlementaire, il n’y a pas encore eu de demande formelle de levée d’immunité.
Une commission parlementaire en action
Dans le prolongement de cette affaire, l’Assemblée nationale a décidé de jouer pleinement son rôle de contrôle de l’action gouvernementale. Le 4 juillet, elle a mis en place une commission d’enquête parlementaire pour examiner la gestion des ressources allouées à la fourniture d’eau potable et d’électricité à Parakou entre 2016 et 2025.
Dix députés ont été désignés, conformément à la configuration politique du Parlement. Leur mission : vérifier la régularité des procédures de passation de marchés, analyser les avenants aux contrats et s’assurer de la bonne utilisation des fonds publics. La commission dispose d’un délai initial de trois mois pour rendre ses conclusions, délai pouvant être prolongé si nécessaire.
Une éviction gouvernementale en toile de fond
Dans le sillage de cette affaire, Paulin Akponna a été démis de ses fonctions de ministre de l’Énergie le 26 juin. Le porte-parole du gouvernement, Wilfried Léandre Houngbédji, a expliqué que cette décision visait à lui permettre de coopérer librement avec la justice, sans contrainte liée à la solidarité gouvernementale.
Si certains y voient une manœuvre politique, d’autres estiment que le geste pourrait ouvrir la voie à une transparence accrue dans la gestion publique.
Ernest LATOUNDJI

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