dimanche 16 novembre 2025

Editorial Révision constitutionnelle : quand les chiffres rassurent… sans forcément convaincre

La révision de la Constitution de 1990, adoptée à une majorité écrasante de 90 voix au sein de la 9ᵉ législature, a secoué l’opinion bien au-delà de l’hémicycle. Une telle amplitude, presque spectaculaire, pourrait laisser croire à un consensus politique rare. Pourtant, à bien y regarder, ces chiffres qui impressionnent au premier abord révèlent aussi ce qu’ils ne parviennent pas à dire. Dans une démocratie parlementaire, rien n’interdit à une majorité solide d’estimer qu’une réforme constitutionnelle est opportune, voire indispensable. Les députés sont élus pour délibérer, voter, et assumer leurs choix devant la Nation. De ce point de vue, le score obtenu ne souffre d’aucune contestation formelle.

Mais un éditorial oblige à pousser la réflexion plus loin. Car derrière cette rondeur numérique se cache une réalité politique que les chiffres ne traduisent pas. L’Assemblée actuelle est dominée par deux blocs proches du pouvoir, laissant à l’opposition un espace réduit pour peser réellement sur les décisions majeures. Ainsi, ce vote massif ne dit pas tout : il reflète peut-être davantage une configuration politique qu’un consensus national. C’est là que le chiffre révèle ses limites.

On peut obtenir 90 voix sans obtenir l’adhésion profonde du pays.

Une Constitution n’est pas une loi ordinaire. Elle est le socle de la vie publique, la charpente de nos libertés, le miroir de nos valeurs communes. Sa révision exige plus que des procédures respectées : elle appelle un climat de dialogue, un débat ouvert, parfois contradictoire, toujours transparent. Non pour freiner le changement, mais pour l’enraciner dans un sentiment partagé de participation. Les députés ont voté, et leur vote est légal. Mais la démocratie dépasse la mécanique institutionnelle : elle repose sur la confiance. Et la confiance se nourrit de l’écoute, du débat, de la sensation que chacun, même minoritaire, a sa place dans le moment constitutionnel. L’enjeu, ici, n’est donc pas de contester la légitimité du vote, ni de prêter des intentions à ceux qui l’ont porté. Il est de rappeler qu’en République, la force numérique ne suffit pas. Une réforme est toujours plus solide lorsqu’elle est discutée, assumée, comprise. Sans cela, la majorité se transforme en simple arithmétique. Au fond, les 90 voix parlent, évidemment. Mais leur éclat invite aussi à entendre ceux dont la voix n’a pas résonné. Parce qu’en démocratie, les chiffres comptent. Mais les citoyens comptent davantage.

Waris SIDIKI

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