Divinité mystérieuse et profondément ancrée dans l’imaginaire collectif, Oro demeure l’une des entités les plus énigmatiques du panthéon vodoun. Son caractère invisible, son pouvoir de confiner femmes et non-initiés durant ses sorties, ainsi que la puissance de son résonnement en font une divinité redoutée et respectée. Même les initiés avouent parfois ressentir une certaine inquiétude face à son pouvoir mystique.
Autrefois, la fête annuelle du culte Oro était un moment unique, marqué par le grondement de la divinité mêlé aux sons sacrés des tambours, aux chants rituels de Madjéou et de Kpahounkoko, ainsi qu’aux slogans des adeptes. Cette atmosphère faisait la fierté de toute la communauté, notamment des femmes, enfermées mais fières de participer, à leur manière, à un héritage culturel exceptionnel.
Aujourd’hui, cette ferveur semble s’éteindre. Les femmes et les non-initiés, confinés dans leurs chambres, disent ressentir davantage de lassitude que de fierté. « Nous sommes ennuyées. On n’entend presque plus rien, ni tambours, ni chants. Parfois, on a même l’impression que le fétiche Oro n’existe plus », confient certaines. Pour elles, l’absence d’animation a vidé la célébration de sa substance et de son charme.
Les causes d’un déclin
Plusieurs facteurs expliquent ce désenchantement. D’abord, l’influence de la civilisation occidentale a peu à peu conduit à une confusion entre religion et culture, poussant certains Béninois à se détourner de leurs traditions. Or, la vénération d’Oro s’inscrit avant tout dans la culture, et non dans une croyance religieuse.
À cela s’ajoute l’ingérence politique et administrative. Arrêtés préfectoraux ou communaux, menaces judiciaires contre les dignitaires et pressions diverses ont contribué à affaiblir l’ardeur et l’engagement des acteurs traditionnels. Ces interférences dénaturent la sacralité du culte et fragilisent sa transmission.
Pour une réappropriation culturelle
Il devient urgent de redonner à Oro toute sa place dans l’univers culturel béninois. Une piste envisagée serait d’établir un calendrier officiel des célébrations, validé par les hauts dignitaires, afin de préserver le caractère mystique et spectaculaire de ce culte ancestral.
De même, la reconnaissance de la chefferie traditionnelle dans la Constitution doit être pleinement mise à profit. Confier la gestion des cultes aux souverains et dignitaires, sans interférence politique, permettrait de restaurer la légitimité et l’autorité de la tradition.
Enfin, au-delà des querelles et des influences extérieures, chaque citoyen doit comprendre que la culture reste l’identité la plus fondamentale. La divinité Oro, protectrice et purificatrice, représente une part essentielle de cette identité, une valeur qui unit et distingue le Bénin dans toute sa richesse spirituelle.
Jérôme TAGNON

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