vendredi 11 juillet 2025

Allaitement maternel : les clés d’un sevrage sans danger pour l’enfant

 



Entre choix personnel, contraintes professionnelles et injonctions sociales, le sevrage de l’allaitement devient un véritable parcours du combattant pour de nombreuses mères. Mais quand et comment stopper l'allaitement du bébé sans un impact négatif sur son bien-être ? Témoignages croisés et éclairages d’experts.Le sevrage est bien plus qu’un simple arrêt nutritionnel. « Quand une maman laisse le bébé se sevrer lui-même, il arrête naturellement entre 2 à 4 ans », renseigne le pédiatre des armées Dr Romuald Aïtchéhou Bothon, plus connu sous le pseudonyme Dr Choco. Mais la plupart du temps, ce sont les mamans qui prennent l'initiative du sevrage pour diverses raisons.Blandine, une coiffeuse et esthéticienne exerçant à Abomey-Calavi, vient de sevrer son premier enfant âgé de 18 mois. À cet âge, elle a effectué un sevrage précoce à sa fille, selon les explications du pédiatre des armées Dr Romuald Bothon. « Il n'existe pas d'âge idéal pour sevrer un bébé. Il est recommandé d'allaiter le plus longtemps possible. Idéalement, il est recommandé de poursuivre au moins jusqu’à l’âge de deux ans », développe le médecin spécialiste de la santé et du développement de l’enfant.Blandine ne s'est pas cassé la tête pour sevrer sa fille. « J'ai décidé carrément qu'elle fasse au moins deux semaines sans me voir. Donc c'est comme ça. Elle est allée chez ma mère. Elle a fait deux semaines là-bas. Et quand elle est revenue, c'est moi-même qui lui ai donné (les seins, ndlr) et elle a refusé. Aujourd'hui, elle mange bien », raconte la jeune maman.Ce n'est pas forcément la meilleure méthode, apprend la sage-femme diplômée d'État à la retraite et ancienne consultante de l'OMS au Bénin, Eugénie Noua Adjibocha. Elle est aussi la présidente des sages-femmes retraitées du Bénin. « Ce n'est pas bon de le faire tel que nos parents avaient l'habitude de s'y prendre. On voit l'enfant et dit : bon, cet enfant-là, il est grand. Il est temps qu'il ait un petit frère et une petite sœur. Et brutalement, on lui coupe les seins. Non, ce n'est pas ça », réfute catégoriquement l'experte en suivi postnatal.Elle explique que le sevrage ne doit en aucun cas se faire en vitesse ni de façon brusque. « C'est un processus qui doit normalement durer 1 an et demi pour l'enfant que les parents comptent définitivement sevrer à l'âge de 2 ans », mentionne Eugénie Noua Adjibocha. « Après l'allaitement exclusif durant les 6 premiers mois, vous pouvez commencer par introduire de la bouillie et des laits pour nourrissons à votre enfant. »


*Texture et composition de la bouillie en fonction de l'âge*


 Lors du sevrage, l'alimentation de l'enfant est un facteur à ne pas négliger. La texture et la composition de la bouillie d'un enfant varient selon les tranches d'âge, nous apprend Prisca Déou Bachabi, nutritionniste diététiste à l'hôpital de zone d'Abomey-Calavi/So-Ava.  « À six mois, on ne peut pas commencer par donner une bouillie épaisse à un enfant. La bouillie liquide, qui est fluide, qu'on commence à introduire, est faite à base de céréales tout court », informe la spécialiste en nutrition. Cette introduction progressive s’étale sur environ deux semaines, afin d’assurer une transition en douceur de l’allaitement exclusif vers les aliments semi-solides. « Ce n’est qu’après trois à quatre semaines, lorsque l’enfant s’y est bien habitué, que l’on peut progressivement épaissir la bouillie. À partir de sept, voire huit mois, on peut envisager l’introduction d’une bouillie enrichie », précise la nutritionniste. La bouillie enrichie, pour sa part, doit être préparée à base de céréales associées à des sources de protéines, afin de répondre aux besoins nutritionnels croissants de l’enfant.


*Processus de suppression progressive de l'allaitement*



Avant de commencer le sevrage progressif de l'allaitement, docteur Romuald Bothon propose des stratégies pour préparer l'enfant. À quelques mois du deuxième anniversaire de l'enfant, il propose de « retarder les tétées. S'il n'est pas trop impatient, il va lui-même les espacer et les diminuer ».Il suggère aussi de changer les idées par d'autres activités de l'enfant et de raccourcir la durée de ses tétées. « Changez le contexte des tétées (ne vous installez plus avec lui sur le fauteuil habituel, aux mêmes heures, etc.) », propose-t-il en dernière position.Après cette préparation stratégique, il est recommandé de débuter un sevrage progressif en commençant par la suppression des tétées diurnes. « Lorsque l’enfant approche de l’âge de deux ans, vous pouvez commencer par lui supprimer l'allaitement de la journée. On peut prendre deux semaines, voire un mois, pour couper progressivement les tétées de la journée à l'enfant », conseille la sage-femme à la retraite Eugénie Noua Adjibocha.Il ne s’agit pas d’arrêter toutes les tétées d’un coup, avertit pour sa part le pédiatre Dr Romuald Aïtchéhou Bothon. « On coupe une tétée dans la journée. Dès que c'est acquis, vous coupez une deuxième tétée un autre jour. Petit à petit, ces tétées sont remplacées par des bouillies ou d’autres aliments qu’il apprécie », explique-t-il. Pendant cette période, l’allaitement nocturne peut être maintenu afin d’accompagner la transition en douceur. « Laissez-lui (l'enfant, ndlr) encore la possibilité de téter la nuit pendant trois semaines à un mois, puis vous pourrez, à ce stade, interrompre complètement l’allaitement », ajoute la présidente des sages-femmes retraitées du Bénin. Le pédiatre renchérit qu'il est recommandé de couper les tétées de la nuit en dernier, car ce sont celles que les enfants préfèrent.


*Sevrage précoce, quelles conséquences sur l'enfant ?*


Un sevrage précoce peut avoir plusieurs conséquences, tant sur la santé physique que sur le développement psychologique de l’enfant. Le lait maternel est très riche en vitamines et en protéines, deux éléments indispensables pour la croissance des enfants. L’interruption précoce de l’allaitement maternel peut alors exposer l’enfant à un retard de croissance ou à un risque de malnutrition, apprend Dr Romuald Aïtchéhou Bothon.Le pédiatre des armées informe aussi qu’un sevrage tôt et bâclé constitue un risque de diminution de la protection de l'enfant contre les infections. Car, explique-t-il, le lait maternel contient des anticorps qui renforcent le système immunitaire de l’enfant.  Le sevrage précoce peut influencer l’intelligence dans des contextes de vulnérabilité nutritionnelle, émotionnelle ou sociale, selon les spécialistes.Une étude réalisée en 2022 par les Britanniques Reneé Pereyra-Elías, Maria Quigley et Claire Carson de la University of Oxford révèle que plus l’allaitement dure longtemps, meilleures seront les capacités cognitives de l’enfant plus tard. Ce constat scientifique trouve écho dans plusieurs témoignages de mères béninoises. À Abomey-Calavi, Grâce, mère de trois garçons, partage son expérience. « J’ai allaité mes deux premiers enfants tout en travaillant. Je les laissais à la maison le jour, et je les allaitais uniquement le soir en rentrant. Mais lorsque je me suis mise à mon propre compte, j’ai pu allaiter mon troisième fils plus longuement, sans contrainte d’horaire ni d’interruption. » Quelques années plus tard, elle observe une différence notable. « Je ne comprends pas… mais ce dernier semble plus intelligent que ses aînés. J’en ai parlé à une sage-femme, Eugénie Noua Adjibocha, qui m’a expliqué que cela pourrait être lié à l’allaitement prolongé dont il a bénéficié, contrairement à ses frères. » Aurore est mère de trois enfants dont une fille. Cette institutrice résidant dans la commune de Dangbo a allaité son premier enfant jusqu’à l’âge de deux ans. Le cadet n'a pas eu la même chance. L'enseignante a dû le sevrer bon gré mal gré à l'âge d'un an parce qu'elle était enceinte de la benjamine.Aujourd'hui, elle dit avoir remarqué que son second garçon éprouve des difficultés persistantes dans les apprentissages, liées à un rythme cognitif plus lent que la moyenne. Des difficultés que l'aîné et la benjamine n’éprouvent guère, selon son constat. Elle pense alors que la situation de son cadet serait liée au sevrage précoce qu'il a subi.

                   J.P.

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