La raffinerie de Dangote, la plus grande d’Afrique, entend franchir un cap décisif d’ici la fin de l’année 2025 : traiter exclusivement du pétrole brut nigérian. Une ambition qui marque un tournant stratégique pour l’industrie énergétique nationale et qui pourrait réduire de façon significative la dépendance du pays aux importations de produits raffinés.
Située en périphérie de Lagos, cette méga-raffinerie d’une capacité impressionnante de 650 000 barils par jour est la propriété du milliardaire Aliko Dangote. Elle s’inscrit au cœur d’une transformation énergétique majeure pour le premier producteur de pétrole du continent africain, souvent contraint d’exporter son brut pour le faire raffiner à l’étranger, avant de le réimporter sous forme de carburant.
« D’ici la fin de l’année, nous pensons pouvoir fonctionner uniquement avec du brut nigérian », a déclaré Devakumar Edwin, vice-président exécutif de Dangote Industries, dans un entretien avec Bloomberg publié ce 8 juillet 2025. Il indique qu’en juin, 53 % du brut traité provenait déjà de producteurs locaux, le reste étant importé, notamment des États-Unis.
Un changement rendu possible par la libération de l’offre locale
Ce basculement vers une production 100 % locale est facilité par l’expiration progressive de plusieurs contrats d’exportation à long terme liant les producteurs nigérians aux marchés étrangers. Libérés de ces engagements, ils pourront désormais vendre leur production à la raffinerie de Dangote.
L’entreprise renforce par ailleurs ses relations avec les négociants locaux et les autorités nationales pour garantir un approvisionnement régulier en brut nigérian. À court terme, elle prévoit de recevoir cinq cargaisons mensuelles de brut (environ 5 millions de barils) de la Nigerian National Petroleum Company (NNPC), la compagnie pétrolière publique, en juillet et août.
Une avancée majeure mais encore fragile
Depuis sa mise en service, la raffinerie a permis au Nigéria de devenir, pour la première fois depuis des décennies, exportateur net de produits pétroliers. Toutefois, cette prouesse repose encore en grande partie sur du brut étranger importé du Brésil, de l’Angola, du Ghana ou encore de la Guinée équatoriale, du fait des limites persistantes du secteur pétrolier national.
En effet, la production nigériane reste confrontée à de nombreux défis : vol de pétrole, sabotage de pipelines, retrait progressif des grandes majors étrangères et déficit d’infrastructures dans le Delta du Niger. La montée en puissance d’acteurs locaux, souvent moins capitalisés, peine à compenser ces manques.
Un projet aux implications économiques majeures
Au-delà des enjeux industriels, l’autosuffisance énergétique portée par le projet Dangote pourrait transformer en profondeur l’économie nigériane. Le pays pourrait économiser plusieurs milliards de dollars d’importations, améliorer sa balance commerciale et atténuer l’impact de la volatilité des marchés internationaux sur les prix domestiques.
Plus encore, la raffinerie est perçue par certains analystes comme une réponse structurelle à la corruption endémique du secteur pétrolier nigérian, historiquement marqué par des circuits opaques d’exportation de brut suivie de réimportation de produits raffinés.
Avec ce pari audacieux, la raffinerie de Dangote s’impose comme un acteur central du redressement économique et énergétique du Nigéria — et peut-être, à terme, comme un modèle continental d’industrialisation autour des ressources locales.
M.H.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
💬 Laissez un commentaire
Votre avis compte pour nous !
Partagez vos idées, vos réactions ou vos suggestions concernant cet article. L'équipe Opinion Plurielle lit chaque message avec attention.