vendredi 27 juin 2025

ÉDITORIAL

 


 La langue peut construire, mais aussi faucher


Le verbe est une arme. Une parole bien placée peut mobiliser des foules, inspirer des réformes, provoquer des révolutions pacifiques. Mais une langue mal maîtrisée, aussi tranchante qu’un couperet, peut ruiner une carrière, fragiliser une institution, et compromettre des années de confiance. C’est le cas récent du ministre Paulin Akponna, dont la prise de parole à Parakou a résonné comme un coup de tonnerre… mais dont l’écho s’est retourné contre lui.

Animé, peut-être, par un désir sincère de vérité et d’assainissement, il s’est adressé à la population avec des mots crus, brutaux : « siphonneurs », « escrocs », « voleurs de deniers publics ». Sans filtre, sans nuance, sans retenue. Or, en politique, la forme compte tout autant que le fond.

Ce qu’il a dit n’était pas nécessairement faux. Oui, les coupures d’eau et d’électricité exaspèrent les populations. Oui, des dysfonctionnements graves existent dans les circuits de gestion. Mais à quel prix faut-il le dénoncer ? Et surtout, à quel moment, et dans quel cadre ?

Ce n’était ni le lieu, ni la manière. Un ministre en exercice ne peut se permettre de jeter publiquement l’opprobre sur ses pairs, même si certains comportements sont répréhensibles. Il en va de la cohésion gouvernementale, de l’équilibre des institutions, et du respect du principe de présomption d’innocence. Il aurait pu alerter, proposer une mission d’audit, enclencher des mécanismes de contrôle. Mais il a choisi l’arène populaire comme tribunal, et sa langue comme glaive.

Résultat : une sanction politique immédiate. Limogé, désavoué, isolé. L’homme s’est peut-être voulu justicier, mais il a oublié qu’en démocratie, la justice se fait dans les formes, avec méthode et discernement.


La leçon est claire : la parole publique est un pouvoir qui engage. Et une langue qui fauche peut tout ravager, même les bonnes intentions.



            Marcellin HOUNSA

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