Dans la nuit du vendredi 14 au samedi 15 novembre 2025, l’Assemblée nationale du Bénin a adopté l’une des révisions constitutionnelles les plus importantes depuis l’instauration du renouveau démocratique en 1990. Par 90 voix pour, 19 contre et aucune abstention, les députés de la 9ᵉ législature ont validé la loi n°2025-20 modifiant et complétant la Constitution, après un vote secret marqué par des tensions politiques et une coupure d’électricité en pleine séance. Cette révision, initiée par les groupes parlementaires Bloc Républicain et Union Progressiste le Renouveau, introduit 15 nouveaux articles et modifie 18 autres, transformant durablement l’architecture institutionnelle du pays.
La réforme introduit la plus grande innovation institutionnelle : le passage à un Parlement bicaméral. Le Sénat, nouvelle chambre haute, est conçu comme un organe de réflexion et de régulation, chargé d’assurer une meilleure représentation des collectivités territoriales, de renforcer la cohésion nationale et de participer au maintien de la paix et de la sécurité publiques. Il sera également chargé d’approfondir l’examen des lois et de constituer un contrepoids à l’Assemblée nationale, dans une logique de stabilité et de renforcement institutionnel. L’allongement du mandat présidentiel constitue une autre modification majeure. L’article 42 précise désormais que le Président de la République est élu pour sept ans, renouvelable une seule fois, avec interdiction d’exercer plus de deux mandats au cours de sa vie. Pour la majorité parlementaire, cette disposition vise à stabiliser le cycle politique, à permettre la mise en œuvre de projets de long terme et à consolider l’alternance démocratique. Les opposants estiment que ce changement, bien qu’annoncé comme protecteur, pourrait servir des objectifs stratégiques favorables au pouvoir en place et limiter l’équilibre démocratique.
Le mandat des députés a lui aussi été porté à sept ans, avec une nouveauté significative : tout élu qui démissionne de son parti perd automatiquement son siège. Cette disposition, présentée comme une mesure de moralisation de la vie politique, est dénoncée par l’opposition comme une restriction de la liberté de conscience et un verrouillage du pluralisme parlementaire. Elle suscite des critiques sur la capacité des députés à agir de manière indépendante et sur la concentration du pouvoir dans les mains de la majorité.
Les mandats locaux ont également été harmonisés. Les maires et conseillers communaux exerceront désormais un mandat de sept ans renouvelables, permettant, selon les promoteurs, une meilleure continuité dans la mise en œuvre des projets locaux et une synchronisation avec les autres cycles électifs. Certains analystes craignent toutefois que cette mesure limite le renouvellement démocratique au niveau communal et renforce la dépendance des exécutifs locaux à leur formation politique d’origine.
Le processus de vote n’a pas été exempt de tensions. Une coupure d’électricité est survenue au cours de la séance, tandis que le groupe Les Démocrates dénonçait un « tripatouillage » et ne reconnaissait pas le résultat du scrutin. Le député Wassangari a fait circuler une vidéo sur les réseaux sociaux pour contester la légitimité du vote. La majorité, de son côté, assure que toutes les étapes ont été respectées conformément à l’article 154 de la Constitution, qui impose une majorité des trois quarts pour la prise en considération de toute révision. Avec cette réforme, la neuvième législature inscrit le Bénin dans une phase institutionnelle inédite. La création du Sénat, l’allongement des mandats et la discipline imposée aux députés redéfinissent les règles de la gouvernance nationale. Si la majorité parlementaire voit dans ces changements un moyen de stabiliser et moderniser l’État, l’opposition et plusieurs observateurs restent vigilants face aux risques de concentration du pouvoir et aux effets possibles sur le pluralisme politique.
La révision constitutionnelle du 14 novembre 2025 marque donc un tournant historique pour le Bénin. Elle ouvre un nouveau chapitre institutionnel, pose les bases d’un fonctionnement parlementaire bicaméral, harmonise les cycles électifs et introduit des mécanismes de discipline politique. Les prochains mois seront déterminants pour mesurer l’impact concret de ces transformations sur la vie politique et la démocratie dans le pays.
Ernest F. LATOUNDJI


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