Chaque année, au cœur de nos villes et de nos campagnes, le même constat s’impose : les vacances scolaires, censées être synonymes de repos et d’épanouissement pour les enfants, se transforment pour beaucoup en une période de labeur. Les rues bruissent des cris de jeunes vendeurs ambulants portant sur leur tête arachides, friandises, tomates ou gombo. Ce spectacle, devenu banal, cache pourtant une dure réalité : derrière ces produits proposés au rabais ou à prix fort, selon l’humeur du tuteur, se joue le quotidien d’enfants privés de véritables vacances.
Prenons l’exemple de Madeleine, collégienne et future candidate au BEPC. Chaque jour, elle se lève à l’aube, commence par la vaisselle avant de rejoindre la baraque de sa tante où elle sert les motocyclistes pressés. Le soir venu, pas de répit : cuisine et corvées ménagères l’attendent encore. En échange de son hébergement, elle s’acquitte d’un travail domestique épuisant, bien loin des rêves de promenade ou des heures passées devant la télévision dont ses camarades lui parlent à la rentrée.
À Cotonou, Gilbert vit une autre forme de privation. Hébergé en ville, il ne sillonne pas les marchés comme son frère employé par un oncle à Parakou, mais son quotidien n’est pas plus enviable. Coincé dans la maison de ses hôtes, il assume la garde de ses neveux et nièces, fait office de domestique, et porte le poids d’une solitude qui le coupe de ses parents restés au village. Certes, il repartira à la rentrée avec un cartable neuf et quelques fournitures, mais le prix de ces « bienfaits » se paie en heures de service et en désillusions.
On objectera qu’ils ne sont pas des « vidomègon », ces enfants placés de façon quasi servile. Pourtant, la frontière est mince. Car que sont ces « vacances » où l’enfant devient force de travail, ressource économique, substitut de main-d’œuvre pour oncles, tantes ou parfois même ses propres parents ? Dans ce système, la valeur éducative des congés scolaires disparaît, étouffée sous la charge domestique ou commerciale.
La question est posée : nos enfants sont-ils de véritables vacanciers ou des employés déguisés ? À quand des vacances réellement pensées comme un temps de respiration, d’apprentissage autrement, de découverte et de joie ? Les congés devraient être une parenthèse d’évasion et de construction personnelle, non un prolongement de l’exploitation.
Il est urgent que la société familles, éducateurs et autorités s’interroge et agisse. Car priver nos enfants de vraies vacances, c’est hypothéquer leur équilibre, leur créativité et, à terme, l’avenir même de notre communauté. Les vacances ne doivent pas être un luxe, mais un droit. Un droit à préserver.
Janvier LAWANI, Le Prince
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