lundi 14 juillet 2025

Chronique : Sextape au Bénin : miroir d’une société sans boussole. Par Marcellin HOUNSA

 

Aujourd’hui, plus personne ne s’étonne de l’apparition d’une sextape. Mais quand ce contenu traverse les écrans, éclabousse des figures publiques et déclenche une frénésie nationale, il est temps de dépasser le buzz pour interroger le fond. Pourquoi ces vidéos choquent-elles autant, alors même qu’elles fascinent ? Et surtout, à qui la faute ?

L’hypocrisie collective : entre morale affichée et voyeurisme assumé

La société béninoise, comme tant d’autres, vit un paradoxe étrange. Elle clame haut les "valeurs africaines", la pudeur, la morale, mais partage en silence, et parfois avec jubilation, les vidéos les plus intimes. Dans les salons, les taxis, les écoles, les marchés… les images circulent plus vite que la raison.Et si la question n’était pas simplement qui est dans la vidéo, mais pourquoi cette vidéo circule ? Le scandale est moins dans l’acte que dans notre réaction collective.

Oui, il y a une responsabilité individuelle

S’exposer volontairement dans une vidéo intime est une prise de risque. C’est un choix souvent privé, fait en confiance — ou dans l’insouciance. Mais ce qui se fait entre deux adultes consentants devrait rester dans la sphère privée.Lorsque cette intimité devient publique, c’est rarement par accident : trahison, vengeance, imprudence. Il faut le dire clairement : filmer n’est pas un crime, diffuser sans consentement l’est.

Une société qui inverse les rôles : coupable ou victime ?

Au lieu de protéger la victime, la société l’expose. Elle la juge, la moque, l’humilie. « Pourquoi s’est-elle filmée ? »Plutôt que « Qui a trahi sa confiance ? » On confond celui qui subit et celui qui agresse. Et c’est cela, la vraie faillite morale.Un scandale ne devrait jamais être un prétexte pour piétiner la dignité d’une personne, mais pour questionner notre propre cruauté silencieuse.

Les réseaux sociaux : juges, bourreaux, spectateurs


Facebook, WhatsApp, TikTok... Ces plateformes sont devenues des arènes de lynchage. On y partage, on commente, on condamne — souvent sans filtre, jamais sans dégâts. Le droit à l’image, la dignité humaine ? Balayés d’un simple clic.L’absence d’éducation numérique est criante, et dans ce chaos numérique, chacun devient complice : volontaire ou passif.

 Et l’État dans tout ça ?

Il y a bien un Code du numérique au Bénin. Il criminalise la diffusion d’images intimes sans consentement. Mais qui le connaît ? Qui le fait appliquer ? L’éducation à la citoyenneté numérique est absente des programmes scolaires. Les campagnes de sensibilisation sont timides, voire inexistantes. Les autorités, elles aussi, semblent dépassées.

La faute est-elle vraiment à une seule personne ?

Non. Elle est à celui qui filme sans précaution. À celui qui diffuse sans scrupule.

À la société qui juge au lieu de comprendre.Aux institutions qui n’informent pas, n’alertent pas, ne protègent pas.Mais plus encore, la faute est à cette conscience collective qui se dérobe.Car un scandale de sextape, ce n’est pas juste un fait divers croustillant. C’est le révélateur brutal d’une société malade de son manque d’éthique et de compassion.

Appel à la conscience

Il est temps de sortir du cercle vicieux : rire, partager, juger, oublier.

Il est temps de réfléchir, d’éduquer, de prévenir. Car le prochain scandale peut frapper n’importe qui. Et c’est ce jour-là, peut-être, que nous comprendrons l’urgence d’agir.

Partager cet article :

Partager sur Facebook Partager sur WhatsApp Partager sur Twitter Partager sur Telegram

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

💬 Laissez un commentaire
Votre avis compte pour nous !
Partagez vos idées, vos réactions ou vos suggestions concernant cet article. L'équipe Opinion Plurielle lit chaque message avec attention.

 Législatives du 11 janvier 2026 dans la 21ᵉ C.E. Séfou Fagbohoun Vs Louis Vlavonou: un duel de patriarches et bataille d’influence .  _À l’...