Le président camerounais Paul Biya a annoncé, ce dimanche 13 juillet 2025, sa candidature à un huitième mandat à la tête du pays, à l’occasion de l’élection présidentielle prévue pour le 12 octobre prochain. Une décision attendue par certains, redoutée par d’autres, qui relance le débat sur la nature du pouvoir, la longévité politique et l’état de la démocratie au Cameroun.
Une longévité exceptionnelle, mais controversée
Arrivé au pouvoir en 1982, Paul Biya cumule désormais plus de quarante-trois ans de règne sans discontinuité. Cette longévité fait de lui l’un des chefs d’État les plus anciens en exercice au monde. Son leadership a traversé des générations de citoyens, plusieurs crises politiques, économiques et sociales, ainsi que de profondes mutations mondiales.Mais au-delà du record, cette longévité soulève une question centrale : la permanence d’un même homme à la tête d’un État est-elle compatible avec une démocratie vivante ?
Une démocratie à l’épreuve du temps
Sur le papier, le Cameroun organise des élections régulières. Mais dans les faits, l’alternance politique y reste largement théorique. L’opposition peine à émerger, l’espace civique est étroitement surveillé, et les conditions de transparence électorale sont fréquemment remises en question par les observateurs nationaux et internationaux.L’annonce d’une nouvelle candidature de Paul Biya renforce cette impression d’un pouvoir verrouillé, où le jeu électoral ne laisse que peu de place à l’imprévu, et encore moins à une véritable compétition.
Un choix stratégique ou un refus de passer le témoin ?
À 92 ans, la nouvelle candidature du président soulève également des interrogations sur la capacité physique et politique de Paul Biya à diriger un pays confronté à de multiples défis : insécurité dans l’Extrême-Nord, crise anglophone persistante, chômage des jeunes, inflation, etc.Pour certains analystes, cette candidature témoigne d’une absence de mécanisme de succession organisé au sein du pouvoir, et d’un système hyperpersonnalisé autour de la figure du président. D'autres y voient une stratégie de continuité visant à préserver les intérêts d’un cercle restreint, tant politique qu’économique.
Une jeunesse de plus en plus déconnectée du pouvoir
Alors que la majorité de la population camerounaise a moins de 30 ans, l’annonce d’un huitième mandat est perçue par beaucoup comme un signe de déconnexion entre la classe dirigeante et la société civile. La jeunesse, confrontée à des défis d’éducation, d’emploi et de mobilité sociale, peine à s’identifier à un pouvoir qu’elle juge distant, voire figé.
Vers une transition politique reportée ?
La candidature de Paul Biya reporte une nouvelle fois la question cruciale de la transition politique au Cameroun. Elle retarde également l’émergence d’une relève crédible au sein même du parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), où les ambitions sont souvent tues, par prudence ou par calcul. En choisissant de briguer un huitième mandat, Paul Biya ne fait pas que poursuivre un parcours politique exceptionnel ; il prolonge aussi une forme de statu quo qui interpelle sur la nature même de la démocratie camerounaise. Si la stabilité reste l’un de ses arguments de légitimation, l’absence d’alternance réelle pourrait fragiliser à terme cette stabilité, en éloignant davantage le pouvoir d’un peuple en quête de renouveau. La présidentielle du 12 octobre 2025 s’annonce donc non pas comme un moment de suspense électoral, mais comme un point de cristallisation des tensions latentes autour de la gouvernance, de la jeunesse, et de l’avenir politique du Cameroun.
M.H.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
💬 Laissez un commentaire
Votre avis compte pour nous !
Partagez vos idées, vos réactions ou vos suggestions concernant cet article. L'équipe Opinion Plurielle lit chaque message avec attention.